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Aisthesis
28 mai 2010

Le souci des plaisirs - M. Onfray

onfrayConstruction d'une érotique solaire.

Page 38 : Ce livre propose de suivre la construction de l'imprégnation chrétienne sur le terrain du corps, de la sensualité et de la sexualité. (...) Vingt siècles de christianisme fabriquent un corps déplorable et une sexualité catastrophique. A partir de la fable d'un Fils de Dieu incarné en Fils de l'Homme, un myhte nommé jésus sert de premier modèle à l'imitation : un corps qui ne boit pas, ne mange pas, ne rit pas n'a pas de sexualité, autrement dit un anticorps. 

Page 77 : Avec Paul, Jésus comme fiction laisse donc la place au Christ comme névrose. L'idéal devient l'imitation du corps du christ, autrement dit un projet que les jésuites formulent clairement avec cette maxime attribuée à saint ignace de Loyola : devenis "perinde ac cadaver" c'est à dire "pareil à un cadavre". (...) Cette secte, parmi des milliers d'autres à l'époque où Paul se débat avec sa névrose personnelle, aurait pu être qu'un cauchemar si elle n'était devenue une religion - or chacun sait qu'une religion est une secte qui a réussi. (...) La névrose chrétienne quitte le terrain des potentialités pour nourrir la réalité d'une civilisation dans laquelle nous vivons toujours"

Page 80 : Les pères de l'Eglise constituent un bataillon de philosophes qui commentent sans relâche le Nouveau et Ancien Testament. L'ensemble de cette production ramasse un nombre considérable d'idées avec lesquelles se constituent les christianismes. (...) Les conciles arrêtent la dynanique de ces réflexions pour les figer dans un corpus officiel. (...) Le IV concile de constantinople (869-870) récuse la trichotomie qui affirmait l'homme composé d'une âme, d'un esprit, d'un corps, et opte pour le dualisme corps et âme, dont on connaît les effets nocifs et pervers dans notre civilisation...

Page 86 : Voilà pour quelle raison, si l'on veut poursuivre l'enquête sur l'éros nihiliste chrétien, la lecture de la Cité de Dieu offre des informations considérables : Augustin en effet, sexualise le péché originel. A son tour, il lance l'anathème contre les femmes, coupables de la faute généalogique de toute négativité, il théorise la libido en regard de la Chute, puis culpabilise le désir autant que le plaisir, avant d'inviter lui aussi à l'imitation de Jesus-Christ et au renoncement à la chair.

Page 88 : L'éros nihiliste chrétien se constitue dans cette double folie : l'aspiration à un corps inexistant et le désir de maltraiter le corps existant. Double névrose : volonté de néant en matière d'idéal, volonté de mort sur le terrain pratique. Double modèle : un corps qui ne mange pas, un chair qu'on martyrise. Double symbole : un ange dépourvu de sexe, un Crucifié, le supplicié et l'instrument de son supplice. Douce perversion : le nihilisme de la chair et le sadomasochisme en modalité spécifique de l'éros. Double furie : Jésus et Christ. 

Page 118 : Le christianisme apparaît donc autour du XIII siècle comme un espace mental et intellectuel (...) dans lequel on ne jouit que du corps détruit, coupé, taillé, martyrisé (...) battu, frappé, bastonné, (...) cette liste des jouissances chrétiennes fait indéniablement songer à celles du Marquis (de sade) ce bouge métaphysique nourrit les bas fonds de l'âme de nombre de corps chrétien. 

Page 178 : Les femmes sculptées (dans les temples de Khajurâho) irradient la quintessence de la féminité : loin de Marie qui enfante sans père puis accouche en étant vierge, contre la femme chrétienne réduite à la Vierge, la mère ou l'épouse, la femme indienne arbore tous les signes de la féminité triomphante depuis la Vénus de Lespugue : hanches larges, seins lourds, ventres avenants, chairs généreuses, formes franches. Dans l'iconographie chrétienne, le sein, quand il apparaît, triomphe soit en organe de la nutrition du fils de Dieu,en mamelle de la mère, soit en occasion de torture païenne lors du martyre : sein à têter, sein à mutiler. Dans l'iconographie indienne, le sein est galbé, renflé, bombé, plein, pesant, rond comme un monde, il est sublime, magnifique, (...), débordant, arrogant - il appelle la main de l'homme pour la caresse et non la bouche tétouilleuse du nourrisson, encore moins la tenaille sadique du tortionnaire. 

Page 196 : Le shivaïsme illustre un genre de spinozisme avant spinoza. Les ténants de cette spiritualité pourraient eux aussi dire comme l'auteur de l'Ethique : "deus sive natura" soit "Dieu ou la Nature". En d'autres termes : "Chaque fois qu'apparaît la nature vous pouvez tout aussi bien dire Dieu, et vice versa, car il s'agit d'une seule et même chose. Car le Shivaïte n'avaliserait pas la dichotomie judéo- chrétienne entre le créateur et sa créature. Dieu et le monde, le principe créateur et sa création, autrement dit : Dieu et l'homme..De sorte que, dans ce moment indien, la sexualité n'est pas une affaire d'hommes incapable d'être des dieux, mais une affaire d'hommes qui se font Dieux par leurs libido et l'exercice spirituel ritualisé de leurs énergie sexuelle. (...) Un shivaïste évolue dans l'Un d'un réel homogène ; un chrétien dans le Deux d'une opposition entre le corps et l'âme. (...) Pour les premiers le sexe est affaire d'une circulation intrinsèque d'énergies; pour les seconds, une force démoniaque de la Cité d'Hommes déchus qu'il faut refuser et récuser afin de pouvoir espérer gagner la vie éternelle et l'immortalité. Religion de la nature et la vie contre religion du Livre et de la mort.

Page 199 : Le shivaïsme souhaite que chacun se conforme à ce qu'il est - l'un des sens du mot Dharma, qui pourrait très approximativement se traduire par "loi naturelle". La vertu se résume à cela : coïncider avec ce pour quoi l'on est fait, désirer ce qui nous fait être ce que nous sommes, vouloir ce qui nous veut, seules façons (spinozistes là encore) de jouir de soi, de l'être, du monde, de l'être du monde. Quiconque voudrait déroger à la règle du Dharma introduirait du désordre dans l'univers, ce qui correspondrait à une violence faite à la nature (...) Sérénité avec soi-même, paix avec les autres, harmonie avec la nature, voilà les objectifs shivaïtes.

Page 237 : Pour réaliser une érotique solaire, la première exigence consiste à répondre pour chacun, à cette série de questions : qui suis-je ? quel est mon désir ? Qu'ai-je essayé qui me permette de penser que j'ai choisi ? A quoi ressemble mon trajet existentiel amoureux, sexuel, affectif, émotionnel ? Qu'ai-je personnellement fait de ce que mes parents, ma famille, mon entourage, la société dans laquelle je vis, la spiritualité ou la religion de mon temps, les modèles dominants de mon époque, ont voulu faire de moi ? M'en suis-je émancipé ? En ai-je saisi les mécanismes ? L'ai-je voulu, désiré, choisi, repris à mon compte ? (...) A quoi ressemble mon plaisir ? Est-il même au rendez vous ? Dans quelles qualités, quantités, selon quelles modalités ? Que puis-je faire, que sais-je faire, du désir et du plaisir d'autrui ? Et autres questions en nombre car il s'agit de savoir ce que l'on veut pour envisager ce que l'on peut - et vice versa. 

Page 254 : Cet ouvrage invite à la construction sexuelle de soi à partir d'un matériau inédit : l'unicité de chacun. L'invention d'une sensualité, la fabrication d'une volupté, la confection d'un plaisir, la création d'une joie ne relèvent d'aucun projet communautaire ou global, collectif ou général, religieux ou politique, mais d'un vouloir propre. Pindare, qui formulait déjà la sublime invitation : "deviens ce que tu es", ajoutait dans le même poème, les Odes Phytiques : "N'aspire pas, ô mon âme, à la vie éternelle, mais épuise les champs des possibles" La vie n'y suffira pas, mais au moins aura-t-elle été digne de ce nom.

Note : 

Michel Onfray est un philosophe français, (pas franchement de droite catholique) qui propose une philosophie hédoniste... Il a publié une cinquantaine d'ouvrage. 

Je vous conseille cet ouvrage qui vous aidera à vous déconstruire, à vous laver d'une éducation directe ou indirecte, conscient ou inconscient (collectif pour reprendre un concept cher à Jung) sur un sujet forcement fondateur de ce que vous êtes... pour aller pourquoi pas vers une spiritualité qui allie l'âme et le corps, l'âme et la nature mais bon c'est juste un message subliminal. 

"L'univers chrétien est un monde incomplet où le sentiment et les symboles féminins de la vie n'ont pas été intégrés." Alan Watts ...

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